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Comment maintenir nos plaisirs pour préserver notre santé ?

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Manger moins gras, moins sucré, limiter l’alcool mais aussi la viande, ne pas fumer… Et le plaisir dans tout ça ? Est-ce que vivre longtemps, en bonne santé, implique de faire une croix sur nos plaisirs ? La réponse est Non, on vous explique pourquoi !

Arrêter de fumer, limiter le fromage, se priver de desserts, s’inscrire à la salle de sport… A force de contraintes imposées quotidiennement, certains en arrivent à se dire : à quoi bon ? S’appuyant sur le fameux « carpe diem », ils font le choix de profiter des plaisirs simples de la vie, quitte à vivre moins longtemps. Mais ce n’est pas si simple que cela.

Le plaisir, un moteur qui nous fait du bien

Pourquoi la vue d’un carré de chocolat, nous fait quasiment instantanément envie ? Que se passe-t-il au niveau de notre cerveau ? Le chocolat, comme les aliments sucrés en général, mais aussi d’autres aliments ou comportements, nous procurent du plaisir parce qu’ils activent notre « circuit cérébral de la récompense ».

« Ce système, que nous partageons avec de nombreux mammifères, a pour objectif de maintenir notre équilibre global, l’homéostasie, explique le Dr Flore Baronnet, neurologue (La Pitié-Salpêtrière, Paris). En somme, pour que notre organisme fonctionne correctement, nous avons besoin d’envoyer des signaux positifs à notre cerveau, ces récompenses se résumant à des plaisirs simples mais indispensables à notre survie, tels que manger, dormir ou s’accoupler pour se reproduire.

« Ce circuit de la récompense implique essentiellement trois régions du cerveau, poursuit Flore Baronnet : l’aire tegmentale ventrale, le noyau accumbens et le cortex préfrontal. Il est relié à l’hippocampe, qui appartient au système de la mémoire, à l’amygdale qui aide à la prise de décision et au système de motricité. La récompense aboutit à la libération finale de dopamine, le neuromédiateur du plaisir.

« Cette libération de dopamine aide à la mémorisation du stimulus agréable. C’est ce qui nous amène à répéter un comportement nous procurant du plaisir : on parle de renforcement positif. »

Dr Flore Baronnet, neurologue.
Circuit de la recompense
Les mécanismes du plaisir, dans le cerveau ils activent les circuits impliqués dans les récompense naturelles.

Revenons à notre carré de chocolat : sa vue nous fait plaisir, active notre système de récompense, et notre cerveau mémorise le tout : après y avoir gouté, on a envie d’y retourner ! Les fois suivantes, on est comme « conditionné », le système de récompense s’activé immédiatement à la vue du chocolat.

« Si le plaisir correspond à l’expérience de la récompense, l’espérance de cette récompense, correspond probablement au désir« , souligne encore Flore Baronnet. Mais bien sûr, nous avons besoin d’aller jusqu’à la satisfaction du plaisir pour que le renforcement positif soit maintenu.

A noter que l’Homme étant plus évolué que ses ancêtres primates, il est également sensible à des stimuli plus complexes, par exemple l’art. Il est ainsi démontré que la contemplation d’un tableau ou l’écoute d’un morceau de musique peuvent stimuler le circuit de la récompense. Ces stimuli étant moins innés car peut essentiels à notre survie, ils sont plus sensibles à l’apprentissage.

Quand le système de la récompense s’emballe : du plaisir à l’addiction

Le circuit de la récompense a été découvert dans les années 50 par Milner et Odds. Ces chercheurs avaient implanté des électrodes dans le noyau accumbens du cerveau d’un rat. En appuyant sur un levier, le rat pouvait stimuler lui-même la région de son cerveau impliquée dans le circuit de récompense. Résultat : le rat s’auto-stimulait sans arrêt, ne prenant même plus le temps de manger. En somme, la stimulation directe de ce circuit était tellement puissante qu’elle devenait contre-productrice puisque l’animal en oubliait ses besoins fondamentaux. 

C’est possiblement sur ce principe que fonctionnent les drogues. « Dans un premier temps, cela procure du plaisir, puis dans un deuxième temps, au fur et à mesure de la répétition du comportement, le circuit se modifie et n’arrive plus à contrôler, c’est là qu’ apparaît la dépendance, explique le Dr Chanaelle Obadia, addictologue à l’hôpital Bichat (Paris). Le plaisir de la première fois étant si intense, l’individu cherche à le répéter pour retrouver cette intensité initiale. »

Le plaisir immédiat : un danger ?

La course au plaisir obtenu quasiment instantanément pourrait d’ailleurs présenter un risque pour notre société actuelle selon Sébastien Bohler, Docteur en neuroscience et rédacteur en Chef de la revue Cerveau. Selon lui, notre cerveau nous pousserait à nous détruire au nom du plaisir immédiat. Il parle même de « bug » humain. « Pendant le Paléolithique, le circuit de la récompense nous a assuré notre survie par l’alimentation, la reproduction, le statut social, etc. alors que nous vivions dans un milieu relativement pauvre en ressources alimentaires, en partenaires sexuels ou en opportunités à améliorer notre statut social », énonce-t-il. Autrement dit, le plaisir nous motivait à répondre aux besoins fondamentaux. Et cela fonctionnait du fait que les sources de plaisir étaient relativement rares.

Mais aujourd’hui, Sébastien Bohler observe qu’avec le développement de la technologie et du cortex cérébral qui produit de l’intelligence, de la planification, de la coopération entre les humains, « les sources de plaisir deviennent illimitées ». Les rendements alimentaires ont par exemple augmenté, au point qu’il suffit de cliquer sur une souris d’ordinateur pour aller chercher un hamburger au coin de la rue dix minutes plus tard.

« On vit dans une société de pléthores. Le désir d’avoir du plaisir n’a plus de frein. Le résultat, c’est l’augmentation en flèche de l’obésité. Selon l’OMS, on meurt plus des conséquences du surpoids et de l’obésité que la de faim dans le monde. Ce besoin initial de s’alimenter pour favoriser la survie de l’espère est devenu inadapté. »

Sébastien Bohler, Docteur en neuroscience

Alors que faire ? « Le plaisir doit rester dans la modération, nous devons apprendre à nous limiter et à ne pas être esclave de ce système du « toujours plus », conseille Sébastien Bohler.

Le docteur en neurosciences qui prône l’idée du plaisir en pleine conscience, prend l’exemple d’un grain de raisin, que l’on prendrait le temps de savourer. Il poursuit : « on va le regarder, le respirer, le temps de laisser arriver la dopamine, puis on va le mettre dans la bouche sans l’avaler, de manière à identifier sa saveur, enfin on va doucement le mordiller… ». Cet exercice, proposé en atelier à des personnes obèses, dure 15 minutes, et permet de comprendre que l’on peut avoir autant de dopamine avec moins de nourriture.

Autre conseil, ne pas oublier le « plaisir de partager« . Le partage -source de statut social- serait selon lui une alternative au plaisir immédiat, car activateur d’une sécrétion dopamine.

Ordonnance « Plaisir » : un peu, beaucoup… pas du tout, comment s’y retrouver ?

Alors pour prendre du plaisir au quotidien et que celui-ci nous fasse réellement du bien et contribue à notre bien-être et à notre santé, que faut-il retenir ?

  • Alimentation : comment se faire plaisir tout en restant en bonne santé ? Si les sucres sont un puissant stimulateur de notre système de récompense, malheureusement il faut les consommer modérément. L’idée est donc d’éduquer notre système de récompense en le sensibilisant à la variété, aux couleurs, aux parfums, aux saveurs… Bref, à tous ces plaisirs qui peuvent remplacer le plaisir du sucre. Le plaisir de manger, c’est aussi le partage en famille ou avec des amis. Cela décuple le plaisir.
  • Activité physique : une source de plaisir ? On le sait, le sport, notamment la course à pied, nous fait libérer des cannous fait libérer des cannabinoïdes et des endorphines, des molécules sources de bien-être ressenti. Ce plaisir apparait toutefois au bout d’un certain délai, 20 à 30 minutes généralement.
  • Ecrans : source de plaisir devenue incontournable, faut-il limiter leur utilisation ? Il faut là aussi garder de la mesure. On sait que chez l’enfant et l’adolescent, des risques (sédentarité, surpoids, comportements violents, etc.) apparaissent au-delà de 4 heures d’utilisation par jour. Avec modération donc.
  • Sommeil : peut-on dormir autant qu’on veut et rester en bonne santé ? C’est vrai qu’une grasse matinée est pour beaucoup un petit plaisir qui ne coûte rien. D’ailleurs il est montré qu’avoir un sommeil perturbé, notamment une durée plus courte de sommeil paradoxal, augmenterait le risque de développer une démence, notamment la maladie d’Alzheimer. A l’inverse, il n’y a pas vraiment de durée maximum « toxique », même si dormir toujours plus n’est pas anodin, certaines pathologies étant associées à un besoin de sommeil excessif ou à un sommeil non réparateur. La durée moyenne idéale est entre 7h et 8h par nuit.
  • Art, culture… : du plaisir à volonté. C’est scientifiquement prouvé, une étude du British Journal of Psychiatry a montré que les visites culturelles régulières sont associées à une réduction de 30% de dépression, et même de 50% lorsqu’elles ont lieu une fois par mois ou plus.
  • Sexualité : un excellent marqueur de l’état de santé ! Une étude anglaise publiée dans la revue médicale Cancer Epidemiology montre que plus un homme aurait connu sexuellement de femmes, moins il aurait de risque d’être atteint par ce cancer. D’après les résultats « lorsqu’un homme a fréquenté plus de 20 femmes dans sa vie, son risque de développer un cancer de la prostate est réduit de 28 % (tous types confondus) comparé à ceux qui n’ont connu qu’une seule partenaire. »